mardi 25 janvier 2011

L'Aquila en 3D, chronique d'une modélisation urbaine et mémorielle

Source: USGS

La ville de l'Aquila qui compte environ 72000 habitants, est la capitale de la région des Abruzzes en Italie. Elle est située à 721 m d'altitude, dans la vallée de l'Aterno-Pescara, coincée entre 4 montagnes supérieures à 2 000 m.
Un séisme est  survenu le 6 avril 2009 à 3 h 30 heure locale dans le centre de l'Italie.
La ville la plus touchée est L'Aquila dont de très nombreux bâtiments ont été détruits ou fortement 
endommagés. Le bilan définitif fait état de 308 morts.
La secousse principale, dont la magnitude se situe entre 5,8 et 6,7 (6,3) a été ressentie dans
tout le centre de l'Italie, notamment jusqu'à Rome distante de 110 km au sud-ouest. 
C'est le tremblement de terre en Italie le plus grave depuis celui de l'Irpinia en 1980.
Six mois plus tard, Google reçoit un courriel d'un architecte britannique nommé Barnaby Gunning qui leur  propose un projet ambitieux: utiliser Google SketchUp pour construire un modèle numérique 3D de la ville, telle qu'elle est maintenant, afin de stimuler la discussion à propos de sa reconstruction. Il avait déjà créé un site Web appelé Comefacciamo ("Que pouvons-nous faire?"), pour contacter et organiser les bénévoles. 
Barnaby a demandé si Google pouvait organiser  des ateliers de géo-modélisation à L'Aquila, afin de renforcer la création d' un modèle numérique de la ville. Un ingénieur travaillant sur SketchUp et un Italien de naissance, ont fait le voyage à l'Aquila et ont donné des cours de géo-modélisation en italien. L'outil principal qui est utilisé est Building Maker qui est plus rapide et plus simple à utiliser que Sketchup mais qui pose la question d'une véritable 3D...

On peut observer les premiers efforts au travers de quelques images...
Source:Sketchup blog

Mais bien au delà des débats assez futiles sur les techniques de modélisation dans ce cas précis, cette initiative interroge sur la place qu'occupe ici la géo-modélisation . Tout d'abord, elle est présentée comme un moyen de discussion autour de la reconstruction de la ville: rien de bien nouveau, la géo-modélisation est un outil qui sert à la décision. Mais la première originalité est qu'elle n'est une initiative professionnelle mais personnelle devenue publique; ce ne sont pas les pouvoirs publics qui sont acteurs de ce mouvement mais les citoyens, habitants de la ville qui se demandent "que pouvons-nous faire" ?  On est donc pleinement dans une démarche de cartographie 3D en ligne participative et ouverte, mais la démarche va plus loin: par ce souci de la reconstitution 3D, les citoyens deviennent acteurs de l'aménagement et ceci à double titre: ils contribuent au développement de l'aménagement participatif grâce à la virtualisation; avec l'appui et l'image de Google dans cette opération, nul doute que cette initiative va avoir du poids auprès des décideurs et des hommes politiques. A ce propos, ils sont où les décideurs et hommes politiques locaux dans cette histoire ? On ne les entend pas...Et c'est là aussi une interrogation forte: les citoyens, en s'emparant d'outils de virtualisation, deviennent des acteurs politiques, montrant ainsi une perte de confiance, un discrédit important de la classe politique...Il ne s'agit pas de savoir si c'est une bonne ou mauvaise chose, juste d'un constat... 
Mais il est important aussi de rappeler que la situation de l'Aquila est malheureusement exceptionnelle avec pas moins de 308 morts... A situation catastrophique, moyens extraordinaires.
Il apparaît aussi que cette virtualisation de la ville "d'avant" joue aussi le rôle d'exutoire des douleurs et fonctionne comme un élément symbolique de la mémoire collective, un peu comme un carnet de photographies d'un temps ancien et révolu, douloureux que l'on continue de feuilleter, malgré tout. C'est un moyen de réappropriation des lieux, des espaces désormais détruits.
Reconstruire virtuellement  une ville endeuillée par un élément naturel fait entrer la modélisation dans la construction d'un espace mémoriel, sorte de musée virtuel qui vise à rappeler, à entretenir la communauté sur ce qui s'est passé, sans l'intervention des collectivités locales ou nationales.