mardi 29 juin 2010

La cartographie en ligne en Chine: des espaces bien contrôlés


Depuis un mois environ, le BTCC (Bureau d'arpentage et de cartographie) a émis certaines règles pour cartographier et donner des mesures d'arpentage en Chine, en particulier vis-à-vis des sociétés étrangères. En effet, elles ne devraient fournir aucune données cartographique en ligne si elles ne se conforment pas à certaines règles et se soumettent à une approbation du BTCC:
  • Avoir un partenariat local avec une société chinoise.
  • Nécessité de maintenir ses serveurs informatiques sur le territoire chinois.
  • N'avoir aucune trace de fuite de données cartographiques depuis trois ans.
Une trentaine de sociétés étrangères ont obtenu le "passeport cartographique" chinois; reste Google et Nokia qui, pour le moment, ne semblent pas remplir toutes les conditions notamment sur l'emplacement des serveurs en territoires chinois.
Cette nouvelle réglementation apporte de nouveaux éclairages sur les rapports entre gouvernement et néogéographie, en particulier la cartographie en ligne.
En effet, l'exemple donné ici montre bien l'importance grandissante que prend la cartographie en ligne aux yeux des gouvernements et s'inscrit dans des politiques spécifiques liées souvent à des conflits de frontières. Il pose également le problème du contrôle physique des données cartographiques dépendant du lieu d'implantation des serveurs informatiques.

La réglementation chinoise a ainsi plusieurs objectifs:
  • économique: le partenariat offre des possibilités de développement propre des entreprises chinoises spécialisées
  • politique: la Chine souhaite conserver le contrôle total de ces données cartographiques par rapport au géant américain Google, montrant ainsi l'importance de la géolocalisation dans les approches politiques des espaces virtuels. L'implantation nécessaire des serveurs informatiques sur le territoire chinois laisse la possibilité au gouvernement de saisir à tout moment ces données, pour un motif plus ou moins légitime.
Ces objectifs interrogent aussi sur les finalités à court et moyen terme de cette réglementation:
  • Contrecarrer l'omniprésence cartographique de Google et faire de la Chine une zone plus ou moins opaque dans un souci de contrôle et de secrets. De ce point de vue, en prenant des mesures d'ordre local, la Chine offre une vue limitée de la mondialisation dont elle se fait parfois le chantre.
  • A moyen terme, l'objectif est, sans doute, de concurrencer Google en développant son propre moteur de rendu cartographique en s'appuyant sur des techniques propres mais aussi venues d'ailleurs. Le partenariat peut être compris dans ce sens. De ce point de vue, elle s'inscrit complètement dans un esprit libéral de la mondialisation.
L'emergence de telles politiques est révélatrice de l'importance prise par ces outils de géolocalisation, devenus de véritables enjeux des mondes virtuels. Enjeux économiques avant tout, ces outils intègrent peu à peu la sphère politique, déplaçant ainsi certaines problématiques de la mondialisation.
Enfin, elle met l'accent sur le rôle capital joué par la conservation physique des données cartographiques; elle interroge, de fait, la géographie politique de l'informatique au travers des espaces d'implantation des serveurs, aussi bien du point de vue quantitatif (Simplement, quel état, région possèdent le plus de données stockées?) que qualitatif (Quels types de données sont stockées ? Quelle importance leur attribuer ? Quelle hiérarchie, en fonction de la problématique et la thématique envisagée ?). Enfin, elle pose la question de l'interprétation de ces cartographies, selon différents points de vue: politique intérieure, politique étrangère, stratégie, économie...